Fredo, mon poteau
Nous avions 5-6 ans lorsque l’on s’est connu. Le petit bassin de la piscine de la rue Anquetil à Nogent-sur-Marne a été notre premier terrain de jeu. Avec Monsieur Nespolo, notre maître nageur, c’était un peu l’école militaire et cela a peut être contribué à nous souder.
On a grandi ensemble. L’école élémentaire, le collège (ta rencontre avec Thierry), les années lycée. Rarement dans les mêmes classes, pas toujours dans les mêmes établissements scolaires, nous avons pourtant toujours gardé contact.
Selon les moments qui ont jalonné notre enfance et notre adolescence, on se retrouvait chez moi, chez toi, chez Luc, chez Thierry ou chez Jacqueline pour de folles soirées avec Anne, Bruno, Martin et Patrock.
Et puis chacun a tracé sa route mais sans jamais se perdre de vue.
Au début des années 90, tu as pris la direction de la Haute-Savoie avec Barbara. Vous avez d’abord fait escale à Chevrier avant de gagner Habère-Poche. La montagne c’était ton élément et ce chalet, le Tavaillon, tu en as fait un haut lieu de l’amitié et de la fraternité. Tu y a surtout fondé une belle famille avec Barbara. Venir vous rendre visite avec mes filles lors des vacances d’hiver ou d’été (plus rarement) allait devenir un rituel. Que de souvenirs accumulés durant toutes ces années et ce bonheur, chaque fois renouvelé, de se retrouver.
Il y a quelques jours, je suis venu te voir une dernière fois Fredo, entouré de tous les tiens, pour te dire au revoir et te donner rendez-vous pour l’éternité.
J’ai la gorge serrée aujourd’hui et le coeur noué.
On ne se donnait pas toujours régulièrement des nouvelles mais chaque échange scellait un peu plus notre amitié et contribuait à notre bien commun. On savait l’un comme l’autre que la distance n’était pas un problème et qu’une à deux heures de conversation pour s’informer sur les uns et les autres, évoquer nos vies et refaire le monde, consolidait nos liens indéfectibles. Tu partais dans des délires parfois. J’en ris encore.
55 ans d’amitié nous unissent et m’ont lié à tes enfants. C’est aussi à eux que je m’adresse en écrivant ces quelques lignes. Juju, Marie, Simon, j’ai pour vous une infinie tendresse et en m’adressant à Fredo, je partage avec vous ces quelques souvenirs éparses exhumés de ma mémoire.
Fredo,
Je me souviens de cette bataille de boules de neige qui coûta la vie à la télé de mes parents. Je me suis vengé plus tard, avec ton consentement d’ailleurs, en t’encourageant à dévaliser la cave de Paul.
Je me souviens d’un soir de grand vent ou tu as voulu apprendre à voler. Tu n’as pas tellement aimé la réception sur les graviers !
Je me souviens de Célia, ce ouistiti que Patrock et Anne avaient ramené du Brésil et qui prenait un malin plaisir à te terroriser.
Je me souviens de cette folle soirée à Chevrier avec ce couple de voisins, Marcel et Jean-Pierre, qui vivaient leur passion avec fougue et déraison, l’un menaçant l’autre avec sa carabine. Marine était toute petite.
Je me souviens de ta réaction lorsque je suis arrivé à ton mariage avec les cheveux bleus.
Je me souviens lorsque tu avais laissé Juliette, qui devait avoir 3-4 ans, aller cueillir des fleurs, seule, dans la prairie en face de chez toi. On était venu te filer un coup de main avec Thierry pour couler une chape de ciment. Tu étais resté zen, jusqu’au moment où elle avait disparu de notre champ de vision et que tu as pris tes jambes à ton cou.
Je me souviens de cette sortie nocturne en raquettes. Il avait neigé abondamment. Pas une trace. C’était magique. Nous étions partis avec Marie et Elliot qui devaient avoir 11-12 ans.
Je me souviens de cette descente à vélo sur Boëge avec Simon et Emma. Le retour fut un calvaire.
Je me souviens de la frayeur que nous avons eu lorsqu’une paisible partie de mini golf se solda par une arcade sourcilière ouverte. Simon fut vaillant.
Je me souviens de cette fois, où sur un coup de tête, tu as fait 600km pour voir si l’air de Paris était plus respirable. Ta famille était en panique.
Je me souviens de tes conseils prodigués à mes filles pour apprendre à skier, du vin chaud, des feux de cheminées, des balades avec Pépito.
Je me souviens de ces dérapages contrôlés sur le sol verglacé, de mon portefeuille enfoui dans la neige et retrouvé au dégel par ta cousine, de ta spécialité culinaire, les dios avec des crozets.
Je me souviens de nos 50 ans et de cette grande fête chez Thierry et Patricia. Pour sceller notre amitié, Guy avait confectionné 3 wagons (quelle belle idée !), un bleu, un jaune et un rouge. Sur chacun figurait l’un de nos prénoms.
Thierry a retrouvé cette photo de nous trois prise pour l’occasion. On s’est dit qu’elle te plairait. Elle scelle des dizaines d’années de partage et de fidélité.
Merci pour tout Fredo
Mes filles, Marine et Emma,
Ma mère
T’embrassent fort.
Au prochain rendez-vous mon poteau
Gilles.